Le terme « technoféodalisme » suggère une ère où les puissances économiques, incarnées principalement par les géants technologiques, par leur quête incessante de profit et leur capacité à isoler algorithmiquement les individus, sont comparées aux seigneurs féodaux du passé. Ce concept, porté sur la scène des débats économiques par des penseurs comme Yanis Varoufakis ou Cédric Durand, soulève une question brûlante : le capitalisme a-t-il été supplanté par un système où quelques entreprises détiennent un pouvoir despotique sur l’économie et la société?
Des barons numériques et une nouvelle classe vassale #
L’analyse contemporaine met en lumière une concentration de pouvoir économique et d’information aux mains de quelques entités – les GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft). Ces mastodontes du numérique, ayant des capacités extraordinaires de collecte et de traitement de données, semblent régner sur l’économie numérique, dictant les règles et imposant leur volonté, bien souvent au-dessus des états et des législations. Leur hégémonie se compare de plus en plus à celle des seigneurs féodaux, qui régnaient jadis grâce à leur contrôle de terres et de ressources.
Le système algorithmique: une chaîne invisible? #
Dans le régime du technoféodalisme, le rôle des algorithmes est central. Ils configurent les interactions sociales et économiques, enfermant les utilisateurs dans des bulles de contenus personnalisés qui conditionnent leur perception du monde. Cette isolation algorithmique, ou isolement numérique, rappelle l’isolement géographique des serfs du Moyen Âge. Les données personnelles, équivalentes aux taxes d’antan, sont désormais omniprésentes, récoltées massivement sans le consentement transparent de l’usager.
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Un changement de logique systémique #
La transition vers ce que nous pourrions qualifier de technoféodalisme implique un changement fondamental dans la logique économique qui sous-tend notre société. Le capitalisme, qui se basait traditionnellement sur la production de biens et la maximisation du profit par la vente, semble être remplacé par un modèle où le profit est généré par le contrôle et la monétisation de l’information. Les entreprises technologiques, en leur qualité de nouveaux barons, ne visent plus simplement à vendre un produit mais à intégrer l’utilisateur dans un écosystème où chaque clic peut être transformé en valeur.
Société de surveillance ou nouveau Moyen-Âge numérique? #
Les théories entourant le technoféodalisme mettent également en avant l’émergence d’une société de surveillance généralisée, où chaque geste, chaque transaction et chaque interaction est suivie, évaluée et stockée. Cette accumulation de données sur les individus rappelle l’omniprésence surveillante du seigneur féodal sur les serfs. Avec les avancées technologiques, ce contrôle s’exerce maintenant à une échelle globale, touchant presque tous les aspects de la vie personnelle et professionnelle sans barrières apparentes.
Conclusion partielle #
L’hypothèse du technoféodalisme, malgré son caractère provocateur, offre une grille de lecture de notre époque numérique qui mérite une attention critique. Elle met en lumière les dangers d’une concentration de pouvoir économique et technologique, tout en interrogeant nos notions traditionnelles de liberté et d’autonomie à l’ère du numérique. À l’aune de ces réflexions, il devient impératif de redéfinir nos relations avec les technologies pour garantir un futur où la technologie servira l’humain, et non l’inverse.